- Nous y voilà.
Le visage de marbre marqué par les morsures du froid, les lèvres gercées, son col remonté jusqu'au menton, Leïto venait d'arriver. A son départ de Scrolgas, on lui avait conseillé d'enfiler des vêtements chauds pour son voyage vers la cité d'Alanhav.
Écoutant toujours les judicieux conseils de ses collaborateurs, il s'était vêtu d'un vieux manteau de fourrure, des bottes montantes, des chemises rembourrées ... deux épaisseurs.
Ainsi avait-il entrepris son trajet. Plutôt ennuyeux, non agrémenté d'une suite bruyante et gênante, Leïto préférait généralement voyager en petit comité. L'équipage de son vaisseau personnel comportait donc cinq gardes d'élite, un intendant, une jeune femme au teint mat, et lui-même.
Il venait de reprendre les rênes de l'état Scrolgas depuis peu. Cela ne fut guère sans soucis. La guerre de succession ayant fait rage durant des décennies. En effet, la famille Karnatos s'était retirée à l'abri du monde extérieur. D'ailleurs, personne ne sut jamais où il avait vécu tant d'années.
Leïto naquit après cette retraite. Ni les castes politiques, ni le peuple n'eut donc écho de sa naissance. Mais il refit surface pour des raisons encore obscures. Les avares du pouvoir défendirent leur bout de gras jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'à leur mort.
Les opposants disparurent un par un. Seul un prétendant au trône resta, Leïto. Il s'était présenté comme le fils de Sharja Karnatos. Sceptique, les habitants de Scrolgas le spolièrent ... du moins tant qu'il ne démontra pas son appartenance à la famille Karnatos. On la nomma la nuit des Écorchés. Des historiens ou curieux étrangers voulurent connaitre des détails sur cette fameuse nuit, mais ils n'en eurent jamais, les bouches restant closes.
Peu de temps après, on lui proposa de rejoindre la cité d'Alanhav.
[...]
- Bien, allons-y.
Il rabattit sa capuche, et avança tête baissée vers sa destinée. Le froid glaçait la chair, resserrant les tissus conjonctifs, mais nul n'émit la moindre objection.
Le groupe se retrouva alors face à une grande muraille percée d'une porte blindée à double battants. L'édifice était grandiose, une démonstration de puissance. L'expédition s'arrêta. Leïto, lui, fit trois pas en avant.
Il leva la tête, des yeux bleus azurs perçait à travers la tempête de neige. Il émit alors un son.
- C'est moi.